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Ce que j'en lis
21 mai 2014

Docteur Sleep, Stephen King

sleep

"Danny Torrance a grandi. Ses démons aussi... Hanté par l’idée qu’il aurait pu hériter des pulsions meurtrières de son père Jack, Dan Torrance n’a jamais pu oublier le cauchemar de l’Hôtel Overlook. Trente ans plus tard, devenu aide-soignant dans un hospice du New Hampshire, il  utilise ses pouvoirs surnaturels pour apaiser les mourants, gagnant ainsi le surnom de « Docteur Sleep », Docteur Sommeil. La rencontre avec Abra Stone, une gamine douée d’un shining phénoménal, va réveiller les démons de Dan, l’obligeant à se battre pour protéger Abra et sauver son âme..."

 

Vous savez que j'ai un faible pour Stephen King. L'un de mes romans préférés, qui m'a retourné les tripes et broyé le coeur, est "Shining", que je n'en finis pas de relire. Bien loin du film de Kubrick (les deux ne racontent pas du tout la même histoire), on y assiste à la plongée dans la folie et dans l'alcoolisme de Jack Torrance. L'une des immenses qualités de ce livre est qu'il laisse le choix au lecteur: vous pouvez choisir de croire qu'il y a des manifestations paranormales à l'Overlook et que la famille Torrance est le jouet de puissances infernales. Vous pouvez aussi choisir de croire qu'ils sont simplement en train de péter un sévère boulon à cause de leur isolement, des problèmes du père et de l'imagination débordante d'un petit garçon. L'auteur fait légèrement pencher la balance du côté paranormal, mais ne force rien.

Cette liberté d'interprétation nous est ôtée dans "Docteur Sleep", et c'est l'un des reproches que je lui ferai. Le Shining existe, d'autres gens que Danny le possèdent... et certains le convoitent. Goulûment.

Les premières pages ont été difficiles. Je m'étais terriblement attachée à Danny, et je lui souhaitais le meilleur. Evidemment, s'il avait été parfaitement heureux et épanoui, il n'y aurait pas eu de suite. Mais démarrer le roman avec un personnage aussi chargé émotionnellement et qui accumule les problèmes reste rude, comme retrouver un ami d'enfance qui aurait mal tourné. J'ai passé beaucoup de temps à secouer tristement la tête. Non, il n'est pas épargné, et l'expérience de l'Overlook ne l'a pas complètement armé face à la vie, ou permis de vivre sereinement avec son don. Même s'il a traversé l'horreur, il a toujours bien du mal à gérer ses démons personnels.

La petite Abra semble bien plus farouche que lui! Volontaire, obstinée, revancharde, elle n'aura de cesse de poursuivre les membres du Noeud Vrai, les méchants de l'Histoire. Le statut de victime ne lui convient absolument pas! Si elle apparaît au départ comme une petite chose fragile à protéger, elle se rebelle vite contre ce statut, et il devient davantage nécessaire de la canaliser.

Les méchants en question ne sont pas les plus redoutables de l'oeuvre de Stephen King. Cruels, anonymes, organisés... mais trop rapidement affaiblis pour qu'on s'en inquiète réellement. J'ai trouvé la menace un peu maigre. D'ailleurs, j'ai craint davantage pour la vie de Dan que pour celle d'Abra!

Je suis également déçue que King justifie l'alcoolisme de Jack (puis celui de son fils) par une pirouette. Les deux romans avaient bien plus de force sans ce postulat déterministe. Après tout le travail de description des réunions des Alcooliques Anonymes, de la lutte quotidienne pour ne pas reprendre un verre et de la force moral que cela exige, cette explication me laisse un goût amer.

En lisant ce début de critique, on pourrait s'étonner que j'ai tout de même trouvé mon compte dans ce roman, mais tout le reste est du Stephen King pur jus! On ne présente plus son talent pour décrire les rouages de l'âme humaine et la société américaine bien-pensante. Je suis restée scotchée de la première à la dernière page, et je l'ai terminé en un temps record! L'ombre de l'Overlook plane toujours. La relation entre Jack et Dan, ce mélange d'amour, d'incompréhension et de haine, conditionne une bonne partie du livre et m'a mis les larmes aux yeux plus d'une fois (jusqu'à franchement me faire pleurer).

La vision de la mort est très apaisée: le rôle de "passeur" de Dan est sublime. Bien sûr, qu'on se bat pour vivre, mais la mort n'est pas une ennemie, ni même une fin définitive. Ses manifestations démoniaques et contre-nature sont à craindre: fantômes, esprits, revenants, (femme putréfiée dans une baignoire... brrrr!), mais pas la mort en elle-même.

L'évolution de Dan justifierait à elle seule ce roman. Quand "Shining" ne lui apportait que l'horreur brute, sans aucun enseignement, "Docteur Sleep" nous montre son évolution. Il s'agit d'un véritable roman initiatique, très touchant. Malgré son don, Dan est profondément humain, et donc faillible et faible. Il a enfin l'occasion de s'apprivoiser et de s'accepter tel qu'il est, dans ses bons comme dans ses mauvais côtés.

Je finis par un gentil spoiler: à la fin, Stephen King ne fait pas péter la moitié des Etats-Unis. Il ne brûle même pas tout le Maine dans un immense brasier purificateur. Peut-être que "Docteur Sleep" le trouve bien plus apaisé, lui aussi?

 

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