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Ce que j'en lis
27 mars 2013

Le petit roi du Luxembourg, Jérôme Doucet

petit-roi-du-luxembourg

 

Synopsis: Luco n'a que dix ans, mais une lourde charge pèse déjà sur ses épaules, puisqu'il est destiné à devenir roi de la Carniole. Du moins si le Régent, son oncle, qui complote dans l'ombre avec le chef de la police, ne parvient pas à l'évincer pour s'emparer définitivement du pouvoir! Heureusement que sa mère, la douce princesse Mirèze, son excellent précepteur Dieudonné, son ami Mario et son chien Billy-Bill, veillent sur lui avec attention.

Ca commençait vraiment très bien! J'aime quand la royauté est dépeinte comme la charge qu'elle est, et pas idéalisée. L'auteur ne nous noie pas sous les récits du luxe du palais, de l'abondance des repas ou de la finesse des étoffes des vêtements, non non: Luco deviendra roi, ce qui n'enchante ni lui ni sa mère, mais c'est ainsi, et il faut bien s'y préparer. C'est un petit garçon comme tous les autres, ou presque. Disons qu'il est dans la veine des "Petites filles modèles": il lutte courageusement contre ses mauvais penchants, s'incline toujours devant les décisions de sa maman adorée pour ne pas lui faire de peine, il est poli, aimable, respectueux, et les tours qu'il invente ne sont jamais bien méchants. Il a tout de même réussi, malgré cet amas de bonnes qualités, à ne pas se rendre parfaitement insupportable (Franchement, qui n'a jamais eu envie de gifler les petites de Fleurville?)

Le style et l'écriture ont pris un coup de vieux, c'est certain, mais restent très agréables pour qui aime se frotter à ce genre de lectures. Ce livre se lit sans doute plus facilement que la célèbre Comtesse de Ségur de nos jours: le ton est bien moins moralisateur, il y a très peu de références à la religion, et on ne nous parle pas de faire la charité toutes les deux lignes. Je pense qu'il conviendrait à des enfants de 8 à 10 ans minimum.

La mise en place de l'intrigue est intéressante: le personnage du Régent, mielleux et hypocrite, est très réussi, tout comme le chef de police Striga, veule à souhait. Le tout forme un ensemble crédible et harmonieux, et puis, on ne sait pas, l'auteur a dû rendre copie et a décidé de tout foutre par terre. Je crois plutôt que l'éditeur a terminé lui-même le bouquin, vous verrez pourquoi.

Attention, ce qui suit dévoile des parties de l'intrigue:

La deuxième partie du livre est inintéressante au possible. Dès que Luco arrive à Paris, on oublie tout ce qui était en place en Carniole: les complots du Régent ne sont pas mentionnés, et n'existent peut-être même plus; le personnage du précepteur, pourtant introduit avec soin, disparaît tout simplement; plus rien n'avance. Luco joue dans les jardins du Luxembourg, étudie gentiment, se fait des amis et organise un goûter. Il ne nous parviendra plus aucun écho du royaume de Carniole avant le dénouement final. Ah si, pardon, un seul écho: une lettre de son ami Mario, qui annonce l'approche du dénouement. Vu le retentissement qu'elle a eu, Mario aurait pu économiser un timbre, moi je vous le dis.

Mention spéciale au passage où Luco, dans les jardins, découvre "ce coin délicieux où le buste de la comtesse de Ségur sourit malicieusement à tout un gracieux peuple de fillettes qu'elle enchante encore, enchantera toujours, avec sa bibliothèque rose."(p. 196) Je ne sais pas si on serait encore capable d'une telle auto-promo de nos jours. "Bernard admira sa collection d'Albin-Michel, ces livres toujours si impeccablement imprimés" ou "chez le libraire, Sophie se dirigea aussitôt vers le rayon des 10/18, les seuls ouvrages qui, avec leurs choix pertinents d'auteurs, la ravissaient systématiquement". Bien joué, les mecs.

Là où on se demande si l'auteur était en revanche définitivement à court d'inspiration, c'est quand il nous ressort de derrière les fagots l'héroïne d'un autre de ses romans, "Mademoiselle Graindsel", pour l'inclure dans l'histoire. Gros gros what the fuck. Elle n'apporte absolument rien, ne fait rien progresser: c'est simplement la camarade de jeu préférée de Luco. Mais quand on s'est cassé la tête à créer un personnage (fort attachant, ceci dit), on vise la rentabilité maximale, surtout si on place encore un peu d'auto-promo, puisque dans le monde de Luco, le livre "Mademoiselle Graindsel" existe bel et bien.

"Ma petite camarade se nomme Monique.

- Monique Graindsel", compléta la fillette d'un ton de chef de protocole annonçant un grand personnage.

La Reine et Luco en même temps ne purent retenir l'expression de leur surprise amusée.

"Eh! quoi, mademoiselle Graindsel?"

Monique prit un air de modestie aussi complète que factice.

"Soi-même.

- Elle est exquise, déclara la duchesse. Je suis heureuse de connaître l'héroïne du livre."

Les deux mères se sourirent, rapprochèrent leurs sièges, elles se mirent à causer.

"Je me figurais, fit la Reine, que Mlle Graindsel était un personnage complètement imaginaire, créé par l'auteur, quand mon fils me parlait avec enthousiasme de la Monique du livre rose.

- Le livre lui-même, répondit Josette, est un roman de pure invention. Aucune des aventures qu'il raconte n'est arrivée; les personnages ne sont nullement des portraits vivants, même très vagues; le seul personnage principal de Mlle Graindsel est seul réel, c'est l'image prise sur le vif de ma fille et il répète nombre de ces mots d'enfant qu'elle a réellement prononcés.

- Ces réponses sont si drôles, si spirituelles.

Waouw. On est au top, quand même. Personnellement, je trouve ça culotté, mais allez savoir, c'était peut-être habituel, à l'époque. L'auteur devait adorer ce personnage, en tout cas, puisqu'on abandonne totalement Luco et sa mère pour les deux derniers chapitres, vécus par le regard de Monique.

J'ai eu un peu l'impression d'assister à un jeu de massacre: pourquoi mettre en place un début d'histoire, si c'est pour la jeter aux orties après? Pourquoi présenter des personnages pour les abandonner? Pourquoi laisser tomber le personnage principal pour le dénouement? Même le titre me laisse perplexe: Luco est le petit roi de Carniole, exilé quelques temps rue Guynemer, face aux jardins du Luxembourg, où il joue avec ses nouveaux amis. Bon. Il règne dans leurs coeurs? C'est parce qu'il a eu la fève dans la galette des rois, qu'il est donc le "petit roi du Luxembourg"? Etait-ce vraiment pertinent?

Une bonne première partie, gâchée par la seconde!

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